Taux de retour énergétique des systèmes alimentaires contemporains

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Chaque activité de nos sociétés requiert en premier lieu de l’énergie, et il n’y a aucune exception à ça. De nos jours, l’ensemble des systèmes agroalimentaires — incluant la production, le transport, la transformation, la commercialisation, etc. — dissipe aux alentours de 30 % de l’énergie disponible dans le monde (IRENA et FAO, 2021), dont 70 à 75 % en dehors des exploitations agricoles pour toutes les activités de transformation, de distribution, et de consommation, incluant du transport à chaque étape (Vourdoubas et Dubois, 2016). L’étape de production alimentaire ne représenterait donc quant à elle qu’un quart de la consommation d’énergie du système alimentaire (IRENA et FAO, 2021). Rien que la conservation des aliments via la chaîne du froid absorberait 8 % de la consommation énergétique mondiale (dont beaucoup de pétrole via les transports frigorifiques et conteneurs reefers), libérant au passage 5 % de fluides frigorigènes dans l’atmosphère (Socialter, 2023). Et bien qu’elle ait pour vocation de préserver les aliments, la rupture de la chaîne du froid est toujours responsable de millions de tonnes d’aliments gaspillées chaque année (Socialter, 2023).

Rapport entre l’énergie investie et l’énergie obtenue dans le système alimentaire états-unien (Bradford, 2019)

On appelle taux de retour énergétique (TRE) le rapport entre l’énergie récupérée et l’énergie qu’il a fallu investir. Ce ratio est le principal outil de mesure de la qualité d’une énergie. Soulignons tout de même que le TRE est un outil complexe, qu’il n’exprime pas tout et qu’il doit être utilisé avec précaution pour ne pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas.

On peut mesurer un taux de retour énergétique à l’échelle d’une opération de transport, d’un puits de pétrole, d’une ferme ou d’un système alimentaire dans son ensemble. En dessous de 1 un TRE est dit négatif, il constitut donc un puits d’énergie. Exemple, si la production agricole états-unienne ne dépense « que » deux calories de combustibles fossiles (gaz naturel et pétrole majoritairement) pour produire une calorie alimentaire, en regardant du champ à l’assiette, le constat est bien plus alarmant puisque 8 à 12 calories fossiles supplémentaires sont dépensées en moyenne pour transformer, emballer, livrer et stocker sous températures dirigées, et cuisiner les aliments modernes (Bradford, 2019). Rappelons que le système alimentaire français se calque, peu ou prou, sur le modèle états-unien. Autrement dit, la plupart des aliments qui se trouvent dans nos assiettes ont un sac à dos énergétique (majoritairement fossile) très lourd, nous mangeons du pétrole matin, midi et soir…

On peut supposer que le système alimentaire français est un peu plus économe en énergie que celui des États-Unis (moins de transports, équipements de plus petite taille…). Toutefois, Harchaoui et Chatzimpiros (2018) soulignent qu’en prenant en compte l’ensemble des éléments du système alimentaire français, le TRE pourrait également tomber en dessous de 1, donc être négatif. Surtout, comme le souligne l’Atelier Paysan (2021), doit-on prendre en compte l’énergie qu’il a fallu pour procéder au remembrement de nos parcelles, pour combler des fossés, détruire des haies, drainer des parcelles humides ? Quelle énergie est nécessaire aujourd’hui pour replanter des haies, tenter de « restaurer » certains milieux humides ? Quelle énergie faut-il à la collectivité pour entretenir ou rénover des routes rurales du fait de l’usure provoquée par les engins agricoles, ou encore pour ramasser les algues vertes qui envahissent la Bretagne ? Quelle énergie faut-il pour l’électronique désormais embarquée et les datacenters qui stockent les nouvelles données générées sur les fermes ? Et puisque la nourriture des agriculteurs est prise en compte, pourquoi ne pas prendre en compte celle des conseillers agricoles, des technico-commerciaux qui gravitent autour des fermes, de même que l’énergie nécessaire à la fabrication et à l’utilisation des véhicules professionnels qu’ils utilisent.

Dans le monde naturel un TRE inférieur à 1 ne serait pas viable, tout simplement car les organismes qui dépensent davantage d’énergie qu’ils n’en reçoivent en retour de la nourriture qu’ils consomment, s’épuisent et finissent par mourir de faim. Pour nos systèmes alimentaires, cela est rendu possible principalement en raison du fait que des apports exogènes d’énergies (de nos jours majoritairement fossiles) viennent compenser ces puits d’énergies. En effet, si un TRE inférieur à 1 menace effectivement la pérennité d’une entreprise telle que l’exploitation pétrolière – encore que nous pourrions assister à l’avenir à des apports exogènes conséquents d’énergies renouvelables pour aller chercher la matière pétrole -, ce n’est pas un critère déterminant du point de vue du système alimentaire (Harchaoui, Chatzimpiros, 2018). Ainsi, l’homme a toujours utilisé des sources d’énergie exogènes pour se nourrir, en plus de sa seule force musculaire ; la biomasse via le feu pour cuire les aliments, du soleil pour les sécher et les conserver, de l’eau et du vent pour transformer le grain en farine ou en huile dans les moulins et les pressoirs (Lallemand, 2019).

En résumé, un système alimentaire peut être très « inefficace énergétiquement » (avoir un faible TRE), voire être un puit d’énergie (avoir un TRE inférieur à 1) et dépendre d’une source d’énergie exogène à profusion, mais il va en être autrement des systèmes alimentaires modernes puisque ces derniers reposent majoritairement sur des sources d’énergies fossiles condamnées à se tarir…

Bibliographie

Atelier Paysan. Observations sur les technologies agricoles. Atelier Paysan, 2021, 141 p.

Bradford Jason. The Future is Rural: Food System Adaptations to the Great Simplification.
Post Carbon Institute, 2019, 110 p.

Harchaoui S, Chatzimpiros P. Can Agriculture Balance Its Energy Consumption and Continue
to Produce Food? A Framework for Assessing Energy Neutrality Applied to French Agriculture.
Sustainability. 2018; 10(12):4624. https://doi.org/10.3390/su10124624

IRENA and FAO. Renewable energy for agri-food systems – Towards the Sustainable
Development Goals and the Paris agreement. Publié en 2021 [consulté le 26 avril 2022].
Disponible sur : https://www.fao.org/documents/card/en/c/cb7433en

Lallemand F. L’empreinte énergétique du système alimentaire. Les Greniers d’Abondance.
Publié en 2019, [consulté le 22/08/2022]. Disponible sur :
https://resiliencealimentaire.org/lempreinte-energetique-du-systeme-alimentaire/

Socialter. Hors-série n°58 : L’empire logistique. 2023

Vourdoubas, I. et Dubois, O. Energy and agri-food systems : production and consumption.
Publié en 2016 [consulté le 26 avril 2022]. Disponible sur :https://www.researchgate.net/publication/362846600_ENERGY_AND_AGRI-

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