Quels sont les impacts des systèmes alimentaires sur la biodiversité ?

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Le vivant est à l’aube de la sixième extinction de masse mais, contrairement à la disparition des dinosaures et celle de la mégafaune qui étaient des extinctions de masse dites « naturelles », le processus que nous vivons actuellement est bel et bien d’origine anthropique d’après l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services). En effet, l’origine anthropique de ce déclin bénéficie d’un solide consensus scientifique, similaire à celui du changement climatique.

En l’espace de quarante ans, les effectifs des populations de vertébrés sauvages ont diminué de deux tiers, mettant ainsi en danger la survie d’environ un million d’espèces aujourd’hui à travers le monde (IPBES, 2019). On observe entre 100 et 1 000 extinctions d’espèces par an sur 1 million d’espèces à l’échelle mondiale, la limite planétaire de 10 extinctions par an sur un million d’espèces est donc dépassée (MTECT, 2023). Destruction d’habitats, exploitation d’espèces, pollution… le déclin de la nature s’accentue, menaçant la santé des écosystèmes et le bien-être humain (MTECT, 2023).

En France, l’indice de risque d’extinction d’espèces a augmenté de 99 % entre 2000 et 2022, contre 36 % dans le reste du monde (MTECT, 2023). Les pare-brises impeccables de nos voitures qui étaient autrefois constamment salis par les impacts d’insectes, témoignent de la disparition des populations d’insectes et, par conséquent, de la menace qui pèse sur toutes les espèces qui en dépendent, en atteste de nombreuses études venant appuyer le constat. Les zones naturelles protégées ont enregistré une chute de 75 % des populations d’insectes en 30 ans (Hallman et al., 2017), tandis que les prairies ont connu une réduction de 67 % en seulement dix ans (Seibold et al, 2019). Toujours dans l’hexagone, la population d’oiseaux des milieux agricoles a diminué de 33 % en trente ans (Lévêque et Cerisier-Auger, 2018), celle des chauves-souris de 38 % en dix ans, et en Allemagne (Ibid).

Comme le souligne les Greniers d’abondance (2022) et d’après un rapport de l’IPBES (2020), « le système alimentaire explique presque à lui seul les deux principales causes de recul de la biodiversité : le changement d’utilisation des espaces naturels (artificialisation et fragmentation des habitats, déforestation, aquaculture…) et l’exploitation directe des écosystèmes (surpêche, chasse) ». Le rapport Qui veille au grain ? souligne que la principale cause de cette catastrophe écologique réside dans la transformation du modèle agricole au cours des dernières décennies. Cela englobe la destruction de divers habitats tels que les haies, les surfaces en herbe et les zones humides, la simplification des systèmes de culture, l’utilisation massive de pesticides, notamment les insecticides néonicotinoïdes, ainsi que les prélèvements d’eau et la pollution des milieux aquatiques. En conséquence, le déclin de la biodiversité aura des répercussions graves sur les systèmes alimentaires.

À l’échelle mondiale, l’expansion des terres agricoles est à l’origine de 80 % de la déforestation, avec les forêts tropicales comme les principales victimes (Kissinger G. et al., 2012). Les activités agricoles entraînent la destruction d’écosystèmes qui abritent certaines des plus grandes concentrations de biodiversité sur Terre (IPBES, 2019). Les principales filières agro-industrielles en cause sont l’élevage extensif de viande de bœuf et la culture du soja (dont l’élevage industriel constitue le principal débouché) en Amérique Latine, et la culture de palmiers à huile en Asie du Sud-Est (Kissinger G. et al., 2012). Le système alimentaire en France contribue à la demande mondiale croissante de ces produits, qu’ils soient destinés à l’alimentation humaine, animale ou à la production d’agrocarburants. La France importe chaque année plus de trois millions de tonnes de tourteaux de soja pour l’alimentation animale, soit 90 % de l’offre en France (Solagro, 2020), dont 1/3 transit par le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire.

En parallèle, pendant les cinquante dernières années, la pêche a exercé l’impact le plus significatif sur la biodiversité des écosystèmes marins, touchant à la fois les espèces ciblées, les espèces non ciblées et les habitats (IPBES, 2020).

Toujours selon l’IPBES (2020), le système alimentaire global joue par ailleurs un rôle de premier plan dans les troisième et quatrième causes du déclin de la biodiversité : le changement climatique et la pollution (pesticides, pollution des sols et des cours d’eau). Notons que le changement climatique, actuellement classé comme la troisième cause de destruction de la biodiversité, pourrait passer à la deuxième place, voire devenir la première si son aggravation persiste. D’après l’IPBES (2020), les scénarios prédisent que les changements climatiques auront principalement des répercussions négatives sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Ces effets sont amplifiés, parfois de manière exponentielle, par l’augmentation progressive de la température globale de la planète. Toujours selon l’IPBES (2020), même en cas d’un réchauffement mondial limité de 1,5°C à 2°C, la plupart des zones de répartition des espèces terrestres devraient subir une contraction significative.

Même nos achats alimentaires participent à la propagation d’espèces exotiques envahissantes. Selon l’IPBES (2020), la présence cumulative d’espèces exotiques a augmenté de 40 % depuis 1980, en corrélation avec l’intensification des échanges commerciaux mondiaux, les dynamiques démographiques, menaçant près d’un cinquième de la surface terrestre par des invasions nuisibles de la faune et de la flore indigènes, perturbant les fonctions des écosystèmes, les bienfaits de la nature pour les populations, l’économie et la santé humaine. Le rythme d’introduction de nouvelles espèces envahissantes semble s’accélérer sans montrer de signes de ralentissement, propagé à travers la planète, entre autres, via les eaux de ballast des navires marchands (Ricciardi, 2022).

Sans surprise, pris dans son ensemble, le système alimentaire est le premier secteur d’activité responsable de l’effondrement de la biodiversité d’après l’IPBES (2020).

Quelles vont être les conséquences pour nos systèmes alimentaires ?

D’après l’IPBES (2020), l’ampleur de la perte d’intégrité de la biosphère et ses conséquences se manifestent de façon différente à travers le monde. Aujourd’hui, nous assistons à la sixième extinction de masse, avec un taux d’extinction d’espèces animales et végétales estimé être 100 fois plus élevé que les taux enregistrés lors des cinq grandes extinctions de masse précédentes sur Terre (Ceballos, 2015). Au cours des deux dernières décennies, près de la moitié des extinctions d’espèces ont eu lieu sur des continents, marquant un changement significatif par rapport à la tendance précédente où la plupart des disparitions se produisaient principalement sur des îles océaniques.

La perte d’intégrité de la biosphère a des conséquences multiples. Tout d’abord, elle se traduit par une diminution du patrimoine génétique, avec l’extinction d’espèces et la perte de populations (CGDD, 2019). De plus, elle perturbe le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques, provoquant des changements dans les habitats, le déplacement des espèces, et la pollution des eaux de surface, entre autres (CGDD, 2019). Cela altère également leur capacité à s’adapter aux modifications des conditions physiques et biotiques, compromettant ainsi leur résilience (CGDD, 2019).

Or, il est essentiel de noter que les écosystèmes fournissent par ailleurs de nombreux avantages à l’humanité, tels que l’approvisionnement en nourriture, en eau, et en ressources génétiques. Ces avantages, regroupés sous le terme « services écosystémiques », subissent une détérioration, mettant en péril leur durabilité à long terme.

Bibliographie

Ceballos (2015) https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1400253

CERDD. Les limites planétaires, un socle pour repenser nos modèles de société. CERDD, publié le 17 juin 2021 [consulté le 27 juin 2023]. Disponible sur : https://www.cerdd.org/Parcours-thematiques/Territoires-durables/Ressources-territoires-durables/Les-limites-planetaires-un-socle-pour-repenser-nos-modeles-de-societe

CGDD. Érosion de la biodiversité CGDD, publié en 2019 [consulté le 27 juin 2023]. Disponible sur : https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/societe/limites-planetaires-ressources/article/erosion-de-la-biodiversite

Hallman C. et al. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoSOne 12(10): e0185809.

IPBES (2019) Summary for policymakers of the global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. https://files.ipbes.net/ipbes-web-prod-public-files/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers.pdf

IPBES (2020) Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques. Résumé à l’intention des décideurs. https://files.ipbes.net/ipbes-web-prod-public-files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf

Jacquemet A. (2021) Le déclin des insectes. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, note n° 30.

Kissinger G. et al. (2012) Drivers of deforestation and forest degradation: a synthesis report for REDD+ policymakers. Lexeme Consulting, Vancouver.

Lévêque A. et Cerisier-Auger A. (2018) Biodiversité. Les chiffres clés édition 2018. Publication du Commissariat Général au Développement Durable.

MTECT. La France face aux neufs limites planétaires. Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, publié en octobre 2023 [consulté le 27 octobre 2023]. Disponible sur : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/la-france-face-aux-neuf-limites-planetaires/pdf/la-france-face-aux-neuf-limites-planetaires.pdf

Ricciardi (2022) https://theconversation.com/la-reglementation-des-navires-transoceaniques-a-reduit-lintroduction-despeces-invasives-dans-les-grands-lacs-192134

Seibold S. et al. (2019) Arthropod decline in grasslands and forests is associated with landscape-level drivers. Nature 574:671–674.

Solagro. La face cachée de nos consommations. Solagro, publié en 2020 [consulté le 27 mars 2022]. Disponible sur : https://solagro.org/medias/publications/f117_brochure-
importations-solagro-web.pdf

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