Schéma du pic de production nette de pétrole (en rouge) et du pic de production brute (en gris) (Bournigal, 2023)
Si analyser la production mondiale de pétrole, d’année en année, en anticipation du pic pétrolier mondial, est un indicateur intéressant. Seule l’analyse de l’énergie nette mondiale octroyée par le pétrole – bien qu’extrêmement difficile à effectuer – nous permet de nous rendre compte que la baisse réelle de la production de pétrole à l’échelle mondiale est probablement encore bien plus proche que ce que nous pouvons penser.
En effet, nos sociétés modernes pourraient entrer en contraction énergétique pétrolière avant même le pic pétrolier mondial. Ceci s’explique car l’équivalent énergétique (pétrole) investi dans le secteur pétrolier croît chaque année (Delannoy et al., 2021), et finira, à un moment ou un autre, par dépasser l’équivalent énergétique de la croissance annuelle de la production mondiale de pétrole. Ceci indique que nous passerons le pic de production énergétique nette de pétrole au niveau mondial bien avant le pic pétrolier tel qu’on l’entend habituellement. Surtout, au lieu d’une douce descente pétrolière, nous pourrions obtenir ce qu’Ugo Bardi appelle une « falaise de Sénèque » (Bardi, 2020).
Problème, certains experts affirment que nous avons sans doute dépassé le pic historique du pétrole brut mondial en 2018 ou 2019. Autrement dit, nous pourrions être au sommet de la courbe grise et donc en contraction pétrolière nette à l’échelle mondiale depuis quelques années déjà même si, à cause du cannibalisme énergétique, les effets ne se ressentent pas tout à fait encore dans les sociétés occidentales.
Benoît Thévard (2013) indique que « Si la logique [énergétique] est poussée à son extrême, l’avant-dernier baril de pétrole servira à extraire le dernier, l’énergie ne servira plus qu’à produire de l’énergie et l’Homme des sociétés industrielles en tant que tel n’existera plus ». Dès lors, comme se demande Benoît Thévard (2014) saurons-nous renoncer aux méga-structures afin de préserver l’humanité en lui réservant le peu d’énergie nette restante, pour l’agriculture par exemple ?
Quant à l’après production nette de pétrole, il est très difficile d’imaginer la forme que pourrait prendre la courbe de production brute de pétrole à l’échelle mondiale si jamais nous devions en arriver jusque-là. C’est-à-dire, si l’humanité devait aller jusqu’à investir, au global dans le système, plus d’1 baril équivalent pétrole pour en obtenir 1 en retour afin par exemple de maintenir coûte que coûte le système de transport. Improbable ? Et si les métaux nécessaires à l’électrification du parc de véhicules, les biocarburants, etc. venaient à manquer à terme ? Nous rendrions-nous seulement compte, sans analyse du TRE étendu au sein du système, qu’il ne serait plus rentable énergétiquement d’extraire du pétrole ? Difficile à dire, d’autant plus que la matière pétrole permettant les productions de plastique, de bitume, etc. pourrait bien également justifier l’épuisement énergétique…
Merci à Blaise Clément de m’avoir aidé à schématiser le pic de production énergétique nette de pétrole.
Bibliographie
Bardi Ugo. The Seneca Effect : Why Growth is Slow but Collapse is Rapid. European Spatial Research and Policy, publié en 2019 [consulté le 25 juillet 2022]. Disponible sur : https://www.researchgate.net/publication/345082012_Ugo_BARDI_The_Seneca_Effect_-
_review
Delannoy Louis, Longaretti Pierre-yves, Murphy David, Prados Emmanuel. Peak oil and the lowcarbon energy transition: A net-energy perspective. Applied Energy, Elsevier, publié en 2021 [consulté le 26 avril 2022]. Disponible sur : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-
03360253/
Thévard Benoît. La diminution de l’énergie nette, frontière ultime de l’Anthropocène. Institut
Momentum, publié le 13 décembre 2013 [consulté le 22 août 2022]. Disponible sur : https://www.institutmomentum.org/wp-content/uploads/2014/01/La-diminution-de-l%E2%80%99%C3%A9nergie-nette.pdf